Ce que nous disent les mots. Ce qu’ils cachent. Ce qu’ils imposent.
“Coût du travail”, “charges sociales”, “neutralité fiscale” : ces expressions semblent neutres, mais elles véhiculent un cadre idéologique puissant. Ce que l’on nomme façonne ce que l’on pense. Et ce que l’on pense détermine ce que l’on juge possible.
Pourquoi cette fiche ?
Parce que le langage économique dominant s’impose souvent sans débat.
Parce qu’une réforme comme la CVA (cotisation sur la valeur ajoutée) ne peut être comprise que si l’on démonte les présupposés de la pensée comptable.
Parce qu’il est temps de désapprendre certains réflexes. Voici donc un lexique critique.
📘 Lexique idéologique invisible
🔹 1. « Coût du travail »
Biais implicite : Le travail est une charge à réduire.
💡 Rappel : Ce que vous appelez “coût”, c’est en fait une part de la richesse socialisée pour financer la protection sociale.
On ne parle jamais de “coût du capital”, pourtant les dividendes en sont un. Les cotisations patronales aussi.
🔹 2. « Charges sociales »
Biais implicite : La protection sociale pèse sur l’économie.
💡 Rappel : On ne “charge” pas l’économie, on l’organise. Les cotisations financent des droits, pas les impôts. Le mot “charge” est un jugement déguisé.
La cotisation sociale a été pensée comme une part de la valeur ajoutée socialisée avant partage entre salaires et capital. La TVA a également été conçue de cette manière.
🔹 3. « Incitations à l’emploi »
Biais implicite : Moins de cotisations = plus d’emplois.
💡 Rappel : Ce raisonnement suppose que les cotisations pèsent sur l’embauche. En réalité, c’est leur assiette (le salaire) qui crée cette illusion. Une assiette sur la VA serait plus juste et plus efficace.
🔹 4. « Neutralité fiscale »
Biais implicite : Un bon impôt ne modifie pas les comportements.
💡 Rappel : Neutre n’est pas synonyme de juste. Une cotisation modulée peut au contraire récompenser l’emploi ou l’investissement productif. Ce n’est pas un défaut, c’est un choix.
🔹 5. (L’absence de) « Coût du capital »
Biais implicite : Le capital est rémunéré “naturellement”.
💡 Rappel : Pourquoi dit-on “coût du travail” mais jamais “coût du capital” ? C’est le signe d’un langage à sens unique. Il naturalise le rendement du capital et problématise la rémunération du travail.
De plus, si la cotisation salariale était un coût du travail, la cotisation patronale serait fatalement un coût du capital.
🔹 6. « Prélèvements obligatoires trop élevés »
Biais implicite : Moins d’impôts = mieux.
💡 Rappel : En Suisse, chaque ménage doit souscrire une assurance maladie privée, c’est une obligation légale. Et elle n’est pas comptée comme PO.
Donc ce qu’on appelle « obligatoire » désigne en réalité « ce qui est géré par l’État ».
📜 En 1945, les cotisations sociales françaises n’étaient pas gérées par l’État, mais par les syndicats. Elles ne figuraient donc pas dans les PO.
🔹 C’est leur étatisation progressive qui les a fait entrer dans cette catégorie.
✏️ En résumé
Nous ne voulons pas remplacer une idéologie par une autre. Nous voulons rappeler que les mots ne sont jamais neutres. Ils organisent le débat, parfois à notre insu.
Une réforme comme la CVA n’est pas une variation technique. C’est une remise en cause du langage qui invisibilise le politique et la logique sous des allures comptables.
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